Introduction

Publié le par Frédéric MATHIAS


L'histoire que je m'apprête à vous raconter remonte assez loin. Malmenée par le temps et la mémoire des hommes, cette aventure est devenue légende. Et comme toutes les légendes, elle puise dans un fond de vérité. Cette vérité est celle de la poursuite de la liberté. Ouvrez donc le livre, et plongez au coeur des...



AVENTURES DE MARCEL MARMOTTE


INTRODUCTION


Il y a deux-cents ans, au coeur du Périgord Noir et par une froide nuit d'automne, alors qu'un vent violent battait la cime des arbres et faisait craquer le bois, Madame Lescureuille s'apprêtait à se coucher. Elle vivait au creux d'un vieux chêne, plusieurs fois centenaire. Sa maison était un charmant cocon, admirablement organisé et toujours parfaitement propre: la vaisselle en coquille de noisettes était lustrée comme du cuivre, les lits étaient tendus de belles peaux de taupe tannées, les oreillers remplis de plumes de pies, et un bon feu ronflait dans la cheminée. Il n'y manquait qu'une seule chose pour que Madame Lescureuille se sente parfaitement bien: une présence. La pauvre dame était bien vieille, son mari était mort depuis longtemps, et les enfants Lescureuille travaillaient tous à l'exploitation de noisette qui était loin à l'est de la forêt.
Elle craqua une allumette, alluma une chandelle, puis s'enfonça en soupirant dans son vieux fauteuil à bascule. Elle s'était emparé d'un vieil album empoussiéré, qui contenait de belles gravures des différents membres de sa vaste famille. Son mari y figurait en bonne place. Combien de temps avait passé depuis sa disparition? Une boule monta à sa gorge et elle referma le livre, qu'elle garda posé sur son tablier. Elle ferma les yeux et commença à se balancer. Peu à peu, le grincement du fauteuil aidant, elle sentit le sommeil la gagner. Le bon feu réchauffait ses mains froides. Elle se sentait bien.
De violents coups furent soudain frappés à sa porte. Précipités, irréguliers, ils étaient accompagnés d'une voix suppliante qu'elle ne connaissait pas:
"Ouvrez! Ouvrez par pitié!"
Elle se releva aussitôt, surprise mais pas encore inquiète. Elle attrapa sa chandelle et s'approcha doucement de la porte de chêne pour y coller l'oreille.
"Qui est-là?" s'enquit-elle.
Un lointain roulement de tonnerre lui répondit: l'orage approchait.
"Qui est-là? reprit-elle.
- Je... je suis perdu! On me poursuit! Par pitié ouvrez moi! Quelque chose doit être caché!"
Interloquée, elle alla vers sa cheminée et s'empara du tisonnier brûlant. Si l'individu s'avérait agressif, elle saurait le recevoir.
"Par pitié! Il vont me tuer!"
On avait les nerfs solides dans la famille Lescureuille, et on n'était pas du genre à garder porte close à qui implore pitié. Elle tourna sa vieille clef dans la serrure et entrouvrit la porte. Elle n'eut pas le temps de faire un mouvement de plus qu'un individu drapé de noir se précipita à l'intérieur et ferma lui-même la porte. Elle fut frappée par l'état dans lequel se trouvait cet étranger: son étrange cape était en lambeaux, il était visiblement épuisé, blessé peut-être. Il semblait avoir couru pendant des jours sans s'arrêter. Elle ne distinguait pas ses traits sous la houppelande, mais à l'odeur elle reconnut un mammifère. Sans aucun doute, ça n'était pas un écureuil comme elle. Un chat errant, peut-être? Elle brandit le tison devant elle.

"Que voulez-vous? Etes-vous un vagabond? Est-ce à manger que vous voulez?

-Manger! cracha l'inconnu. C'est moi qu'ils vont manger! Je suis mort de toutes façons. Mais il faut, il faut qu'un document soit caché!

 
-Un document?" répéta Madame Lescureuille en fronçant les sourcils.
L'individu leva alors une main ensanglantée et amaigrie, tremblante comme un feuille sèche, au bout de laquelle il y avait un parchemin roulé sur lui-même.
"Prenez! ordonna-t-il. Prenez et cachez! Cachez cela à l'endroit le plus secret, le plus introuvable, plongez ce document au sein de la terre! Qu'il soit oublié!"
Madame Lescureuille avait l'esprit simple et logique: elle allait demander pourquoi il ne l'avait pas détruit s'il fallait l'oublier. Elle ouvrit la bouche pour formuler la question quand un coup violent fit trembler les murs. L'inconnu tourna la tête en tous sens et s'affola.
"Il est là! C'est fini! Je vous en prie! Cachez cela, il y va de notre survie à tous!
-Mais... qu'allez-vous faire?"
Un deuxième coup retentit, et la vieille dame contempla avec horreur les gonds de sa porte se déformer.
"Cachez-vous!" hurla le vagabond.
Au troisième coup, une planche de bois éclata et les débris furent projettés à l'autre bout de la pièce.
Le tisonnier tomba au sol dans un bruit métallique. Aussitôt, Madame Lescureuille s'empara du parchemin et se précipita derrière son fauteuil.  La porte vola en éclat et un hurlement d'outre-tombe traversa ses oreilles. L'orage s'abattit juste à ce moment au-dessus du vieux chêne, et un éclair projetta contre le mur une ombre titanesque et indéfinissable. Tout ce qu'elle put entendre alors, ce furent des coups, des hurlements, des craquements, et l'ultime appel de l'inconnu. Tétanisée, les paumes crispées sur le parchemin, elle entendit le souffle rauque et monstrueux de la chose qui était là, à quelques pas. Il se passa de longues secondes, des siècles lui sembla-t-il, mais quand elle trouva le courage de faire un mouvement, de risquer un coup d'oeil, il n'y avait plus rien. Rien que le vent froid qui s'engouffrait dans le salon.
Incapable de quitter des yeux la porte dévastée, elle poussa son armoire contre l'entrée pour empêcher que la pluie ne vînt tout inonder. Elle s'effondra dans son fauteuil, qui se balança aussitôt. Au fur et à mesure que les grincements la rassuraient, elle sentit à nouveau le sommeil la gagner. Avait-elle rêvé? Avant  de s'endormir, elle déroula presque distraitement le rouleau de parchemin.
Son fauteuil s'arrêta de grinçer. Elle lu jusqu'au bout. A partir de cet instant, elle sut. Elle sut qu'elle n'était plus en sécurité. Elle sut que la chose reviendrait chercher ce document. Elle sut enfin que sa vie venait de trouver un nouveau souffle, et qu'elle n'aurait plus de temps à donner à l'ennui. En se dirigeant vers sa chambre pour y préparer ses bagages, elle murmura à son tour:
"Cacher cela à l'endroit le plus secret, le plus introuvable"...


A SUIVRE



LA SEMAINE PROCHAINE: le chapitre 1
LE GRAND DEMENAGEMENT



Publié dans Marcel Marmotte

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R
wouhaou déja rien que le début, la mise en ambiance, la descritpion de l'intérieur, et rajouté à ça le scénario qui nous tient en haleine, j'adore ! (je ne sais pas si on peut ajouter ou pas des remarques...peut-être que la façon de Mme Lescureuille de se rendormir si vite aprés une telle frayeur m'a un peu gênée mais la gêne s'est rapidement envolée. Je l'aurais plus vue "méditer" les yeux dans le vague (un peu choquée en quelque sorte), le regard flou posé sur le papier qu'elle a entre ses mains qui se précise petit à petit... et petit à petit oui son regard se fait précis et elle réalise.. :) )promis je ne dirai rien sur les prochaines pages. En plus je dis ça mais je ne relis même pas mes propres textes alors vraiment, aucune humilité.
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V
....et ne pliait-elle pas du chocolat dans un papier d'aluminium?stop pas de pub c'est vrai :) un conte qui s'annonce solide et adulte a la fois qui s'eloigne du canon actuel qu'est "dora part a l'aventure " ou encore " les aventures niaises et abrutissantes de oui oui "!
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C
Figure-toi que sur le chemin du retour ,j'ai croisé une....marmotte!!<br /> Mais si mais si, et je me suis demandé si ce n'était pas Marcel qui s'était égaré..............
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E
vivement la suite..........on attend avec impatience
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S
J'adore, j'espere qu'il y en aura plein d'autres!
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