Norman Rockwell

Publié le par Frédéric MATHIAS



Il y a des noms qu'un dessinateur ne peut, ne doit prononcer qu'avec un frisson de respect admiratif et vertigineux. Dans mon cas, celui de Frazetta créé à la fois une sympathique dévotion d'apprenti et une dévorante envie d'égaler le maître, ce dont il ne faut jamais douter, à condition d'être pleinement conscient de la sueur et des crispations de machoires qu'entraîne le travail qui sera nécessaire à l'accomplissement de soi. Je vous parlerai quelque jour de la façon dont je perçois le travail dans l'acte artistique, comme révélateur du talent bien plus que la science infuse, le génie auquel je ne crois pas beaucoup, excepté dans quelques cas uniques (Picasso par exemple, qui à 12 ans dessinait comme Raphael, ce qui ne peut être considéré comme "normal"). A cette occasion je rejoindrai le concept que Jacques Brel avait de son art, à savoir qu'il fallait travailler, un point c'est tout: notre grand Jacques a commencé sa carrière recalé à tous les concours de chansons qu'il tentait en quittant la cartonnerie paternelle.
Un mot aujourd'hui sur un autre de ces maîtres qui font trembler ma main sans jamais la décourager. Norman Rockwell était-il, justement, un génie? Ou simplement quelqu'un d'extraordinairement doué? Peu importe, il rejoignait l'esprit dont je vous parle: avec le travail et la volonté, tout le monde peut devenir dessinateur. C'est en prenant les cours par correspondance que dispensait Rockwell avec
Albert Dorne qu'un gars comme Bernie Whrightson a forgé sa plume*. En parcourant les célèbres Saturday evening post covers de Rockwell, on peut constater que lui-même, des années 1920 aux années 1960, n'a cessé de s'améliorer.
Jusqu'à ce jour, deux éléments m'ont frappé chez le "dessinateur chéri de l'amérique": sa capacité à donner dans l'hyperréalisme tout en offrant les plus caricaturaux personnages, et son admirable jeu de couleur, un des plus maîtrisés au monde. Je ne vois même personne, au vingtième siècle, qui tienne la comparaison sur ce point précis (amusez-vous cependant à comparer les couleurs de Rockwell avec celles que Hitchcock utilisait dans ses films: ce sont les mêmes). Sur le premier point, Norman m'a inspiré le petit dessin d'aujourd'hui, auquel j'ai essayé de donner également l'esprit qui a tant fait sa réputation, puisque le peintre ne dessinait sciemment que la joie, les bonheurs quotidiens, la gaieté, des sujets pleins d'humours dont étaient absentes les bassesses de notre monde. On lui a d'ailleurs reproché ce monde un peu aseptisé, et, s'il montra toute sa vie la classe moyenne américaine, il tarda beaucoup à peindre des noirs. Cela arriva tout de même dans ses dernières couvertures, comme la splendide "Do unto others..." d'Avril 61, période à laquelle il se surpasse et s'ouvre sur de nouveaux sujets.
Je reparlerai de M. Rockwell de temps à autre, tout en essayant, secrètement, de suivre ses traces magistrales.


Frédéric MATHIAS



*avec Sergio Toppi, voilà l'autre maître actuel du noir et blanc, digne héritier, je ne suis pas le premier à la dire, de notre Gustave Doré national.

Publié dans Illustrations

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P
la "way of life " plus realiste qu'on pourrait le croire...
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C
ça tombe bien  ce joli dessin!c'est  très bientôt l'ouverture de la pêche
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